Du rêve à la réalité ?

L’un des avantages de travailler dans un grand groupe (et il y en a beaucoup d’autres), c’est la diversité des personnes qu’on peut y rencontrer. Ces rencontres sont tout autant le fruit du hasard que celui des projets ou des missions. Si on est attentif et curieux de la richesse des autres, si on prend le temps d’échanger et d’apprendre à les connaître alors ces rencontres peuvent nous enrichir. Je pourrais citer ici les nombreux collègues croisés depuis 1999, la liste serait belle et longue avec des relations parfois éphémères et souvent durables.

Comme j’évoque ici plutôt mes lectures, je vais vous parler du livre d’une collègue donc, Delphine Luginbuhl. Nous nous sommes croisés à l’occasion d’un projet sur de nouvelles pratiques managériales (projet lancé par une autre belle rencontre au sein du groupe et inspiré par les récits de F Laloux). Avec son amie et associée, Aurélie Pennel, Delphine a écrit « J’arrête de renoncer à mes rêves », aux éditions Eyrolles. Livre de développement personnel, les 2 auteures illustrent par leur histoire personnelle quelques outils et conseils pour réaliser vos projets aussi bien personnels que professionnels.

L’ouvrage s’adresse à tout public, même si beaucoup d’illustrations ou conseils sont très teintés de « women power » 🙂 . Il est structuré en 3 parties efficaces : une première partie pour déculpabiliser, une seconde partie pour se préparer et une troisième et dernière partie pour agir.

En plus des citations de grands personnages comme W Churchill avec :

« Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. »

on pourra apprécier dans chaque séquence le bon sens des propositions et des exercices et la simplicité des illustrations permettant de mieux saisir où les auteures nous embarquent.

Jouez le jeu de l’introspection proposé par le questionnement du livre et lancez vous dans vos projets qu’ils soient pro ou perso !

Bonne lecture

« Confiance et Leadership »

Ali ArmandLe titre reprend les mots clés de 2 précédents livres que j’avais appréciés : « Speed of Trust » de Stephen MR Covey et « Leadership sous 0 degré » de Dennis NT Perkins. Pourtant la bibliographie de 10 pages d’Ali ARMAND ne cite aucun de ces 2 ouvrages, probablement parce que les auteurs ont eux –mêmes de nombreuses références et que notre docteur en sociologie a préféré s’inspirer directement des premières sources.

L’ouvrage livre de nombreuses références et le résumer réduirait nécessairement les apports qu’y trouverait chaque lecteur. Voici simplement quelques passages choisis qui font écho soit à mes sujets de travail actuels, soit à l’idéal d’un management en entreprise.

Tenir compte de son environnement est primordial. Ali Armand rappelle l’acronyme VUCA apparu dans les années 1990 et reprend les propos de B Johansen pour contrer ce modèle :

VUCA « Counter VUCA »
Volatility : environnement dynamique, changements rapides, … Vision : construire le cap pour neutraliser la volatilité
Uncertainty : aversion naturelle à l’incertitude Understanding : dans ma précédente mission, on demandait aux équipes terrains de se plier au TOP = Temps d’Observation Préalable pour bien comprendre la situation et agir en sécurité. Ici aussi, les managers sont invités à des temps d’arrêt, d’écoute et d’observation de leur environnement.
Complexity : interdépendances, influences, … rendent complexe la compréhension de notre environnement Clarity : réduire la complexité et s’adapter à la situation.
Ambiguity : interprétations multiples à défaut d’avoir l’ensemble des informations permettant de lever les doutes Agility : adaptation récurrente aux évolutions de l’environnement

 

Ali Armand illustre de nombreuses notions par des citations de salariés d’entreprises avec lesquelles il a travaillé. Cela donne ainsi du relief et dépasse le cadre théorique de son exposé. J’aime ça. Parfois, la culture de l’entreprise transpire dans les propos du salarié et parfois, on perçoit les rêves (ou frustrations) des personnes interrogées.

A cette diversité d’expériences, Ali n’oublie pas les nombreuses références, ainsi il nous décrit les différents profils de leaders :

  • Le leadership héroïque (faire face aux crises)
  • Le leadership transformant (union autour d’un objectif supérieur)
  • Le leadership transactionnel (objectifs différents entre leader et followers)
  • Le leadership transformationnel (élévation du niveau de conscience des valeurs communes)
  • Le leadership moral (aspiration éthique)
  • Le Leadership charismatique (emprise du leader sur ses followers)
  • Le leadership idéalisé (le leader reconnaît chacun, le respecte et l’accompagne)
  • Le leadership basé sur les valeurs (intégrité, responsabilité, mansuétude, …)
  • Le leadership visionnaire (le leader construit sa vision avec ses collaborateurs, fournisseurs, clients et l’ensemble de ses parties prenantes.)
  • Le leadership exemplaire (définir le chemin, inspirer une vision partagée, challenger le processus, faciliter l’action, encourager)

Après avoir comparé les différents styles de pouvoir et de leadership, l’auteur propose une définition de la confiance :

« La confiance est un facilitateur des relations sociales et des transactions économiques. Il s’agit d’un sentiment de sécurité qui permet l’engagement dans les actions communes, fondé sur la visibilité et la lisibilité des choses et des situations. C’est un pari sur la pertinence et l’adéquation des propositions ou des prestations. C’est un pari sur la fiabilité de l’autre, sur sa bonne foi, sur la conformité de ses comportements aux attentes explicites ou implicites que l’on pourrait formuler. »

A partir de différents travaux de sociologie, le lecteur découvre ce qui fonde le processus de production de la confiance et ce qui la fait évoluer ; de la confiance a priori à la confiance consolidée (ou méfiance voire défiance…). Il rappelle qu’en anglais, confiance se traduit avec deux mots : « Trust » et « Confidence ».

Comme une synthèse des parties précédentes, Ali propose un style de leadership agile pour développer la confiance. Bien que convaincu par les axes développés et bien que les propositions restent méta contrairement à « Speed of Trust » de Stephen MR Covey (actions et comportements), un point retient mon attention sur l’adaptation de son style de pouvoir. En effet, Ali invite les leaders à réduire l’assertivité pour augmenter la réceptivité des parties prenantes :

« dans les relations avec autrui, on préconise généralement le style « assertif ». Or l’assertivité vise à affirmer votre point de vue et vos intérêts. Pour être attentif aux parties prenantes, il convient de dépasser le niveau de l’assertivité pour développer un style de pouvoir « réceptif ». »

Qu’il soit entendu ! Dans le même esprit, l’humilité fait partie des axes du modèle de leadership proposé.

Il insiste sur ce point car selon lui, c’est essentiel pour construire la vision du leader. Vision qui doit être co-construite avec les parties prenantes internes et externes. Il liste une série de questions dont certaines inspirées de Blue Ocean Strategy en ajoutant à la dimension clients la dimension collaborateurs. La vision est le premier des 6 axes du « Trust Leadership Profile » qu’il propose. Je vous laisse découvrir les 5 autres dans son livre.

Enfin, Ali Armand finit en proposant deux quotients :

  • Le quotient de la confiance organisationnelle (QCO)
  • Le quotient de la confiance interindividuelle (QCI)

Ces quotients peuvent être calculés et l’auteur propose même un fil conducteur de formation pour mettre en pratique les convictions exposées.

Je vous souhaite une excellente lecture et surtout une belle expérience ensuite !

Lost in… la pensée managériale avec François Dupuy

Devant la publicité, y compris le « bouche à oreille » (enfin les échanges sur les réseaux sociaux comme LinkedIn), j’ai craqué et acheté « Lost in Management : La vie quotidienne des entreprises au XXIe siècle » et « La Faillite de la pensée managériale : Lost in management, vol. 2 » de François Dupuy. C’est tellement facile avec mon ebook qu’en deux clics, c’était fait alors que si j’avais été dans une librairie, j’aurais probablement acheté le premier tome uniquement, pensant revenir chercher ensuite le second… Finalement, dommage pour la librairie et tant mieux pour l’auteur, car il n’est pas si sûr que j’aurais acheté le second tome. Comprenons-nous bien, je n’ai rien contre l’auteur mais j’aurais aimé lire des pistes de solution et des exemples plus positifs… mon côté fleur bleue, sans doute.Faillite managériale François Dupuy

Si le CV de l’auteur ne mentionnait pas une formation grande école, je me serais demandé s’il ne souffrait pas d’un complexe d’infériorité tant il pleure la méconnaissance de la sociologie par les managers de nos entreprises. Les consultants en prennent aussi pour leur grade, bien qu’il base son récit sur son expérience de consultant mais totalement orienté sociologie. Peut-être que j’aurais préféré suivre une conférence ou un exposé de sa part que de lire ce que les titres annoncent, un contenu du côté des forces obscures des entreprises… Ca ne m’aurait pas dérangé si j’avais trouvé les recettes pour faire jaillir la lumière et transformer une ambiance délétère en ambiance de travail. A croire qu’en France, nous sommes très bons pour dresser des diagnostics, surtout pour dire ce qui ne va pas et pourquoi, moins pour dire ce qui va et pourquoi ça va…

C’est donc, encouragé par des critiques positives, imaginant une excellente continuité avec les démarches positives de Speed of Trust ou de la sociodynamique, que je me suis donc lancé dans la lecture des deux tomes. Mais, je me suis vraiment fait violence tant les exemples relèvent de « failure quotes » si éloignées de « success story ».

Dans le premier tome, je reconnais quelques vérités de mes expériences passées qui fondent le diagnostic du sociologue :

« abstraction du discours managérial »

« Plus l’entreprise cherche à les contrôler et à leur « mettre la pression », plus les salariés, cadres y compris, se réfugient dans des investissements alternatifs, la famille par exemple, qui viennent compenser la dureté du monde du travail. »

Cette dernière citation me rappelle d’ailleurs une introduction d’Isaac Getz sur l’entreprise libérée et le fait que si l’entreprise ne sait pas séduire ses équipes, ces dernières s’épanouiront en dehors de l’entreprise.

L’auteur insiste sur le caractère endogène des organisations, sur une forme de confort qu’on les manageurs à traiter les problèmes internes plutôt que les problèmes externes.

« Résumons : nous avons constaté, en début d’analyse, que les acteurs de cette organisation sont, bon an mal an, heureux. Ce bonheur tient avant tout à la protection offerte par la forme segmentée et séquentielle du travail qui caractérise la Direction. Mais il s’obtient au prix de toutes les dérives évoquées. Le choix – car c’en est un – a été de privilégier la logique interne (endogénéité) au détriment de celle de la mission à accomplir (exogénéité), sur un mode qui n’est pas sans évoquer celui des administrations publiques. On a à nouveau « laissé filer le travail ». »

 

SI je partage parfois ce qu’écrit François Dupuy, comme « le sous-travail était autant le résultat d’un laxisme des dirigeants que d’une « paresse » de ceux qui le pratiquent. », je m’interroge sur les solutions pour lutter contre ce phénomène, réduire le caractère endogène et s’intéresser aux problèmes externes pour éviter de voir l’entreprise dépassée. Le changement ne peut se produire qu’avec une « crise majeure », produite par l’externe : « Le laisser-aller d’hier rend le coût du changement prohibitif aujourd’hui. ». C’est bien triste, même si je préfère lire cela dans des œuvres de sciences fictions plutôt que dans la vie réelle.

Le sociologue décrit donc une entreprise tournée vers elle-même ou plutôt tournée vers le top management : « Aussi l’encadrement de cette Direction est-il tourné bien davantage « vers le haut », vers ceux qui demandent le reporting, que vers le bas, vers l’organisation elle-même. » Là encore, pas d’indice pour changer cela, tout en faisant en sorte que si le regard se portait vers le bas, il faut aussi qu’elle se porte sur l’environnement externe. Et il poursuit : « c’est simplement que personne, du haut en bas, ne montre l’exemple. » ou encore en affirmant que les services relations clients ne répondent plus aux exigences externes mais aux processus internes de l’entreprise.

On peut évidemment lire les illustrations de l’auteur comme des contre-exemples, comme les pratiques à éviter pour améliorer… améliorer quoi au fait ? on est effectivement presque perdu dans la lecture de ce livre multipliant les échecs… soudain un conseil qui me rappelle à mes précédentes lectures :

« ce qui va permettre la confiance, c’est la réduction de l’incertitude des comportements »

Mais cette lueur va très vite s’estomper : « La traditionnelle implication au travail, fruit d’une confiance jamais trahie, se heurte brutalement à des demandes pressantes et croissantes, ce qui produit au choix découragement, retrait, détresse et souffrance. »

Seul moyen de changer cela, la crise : « Quand on a laissé filer le travail ou le client, on s’est créé des handicaps bien difficiles à surmonter, auxquels on ne s’attaque que poussé par la nécessité. »

C’est tellement sombre que je me suis offert une parenthèse dans la lecture de « Lost in management » pour ne pas déprimer en lisant quelques passages de « Amour, Poésie, Sagesse » d’Edgar Morin (notes de lecture à suivre). Après cette bouffée d’air, j’ai repris ma laborieuse lecture.

Retour dans les mauvais exemples, donc et un nouveau conseil surgit :

« pour être efficace, il faut « tuer » les monopoles internes, introduire un haut degré de coopération – appelé ici de façon plus réaliste « confrontation » –, multiplier les lieux et les occasions de négociation. »

OK, super ! Et comment fait-on ? Comment multiplier « les occasions de négociation » quand plus haut (dans le livre), l’auteur charge la multiplication des réunions… internes (évidemment).

Finalement, le premier tome qui charge les entreprises « endogènes » conclue sur :

« L’enjeu, ce sont bien les hommes, et non « tout le reste », qui ne constitue que l’apparence de l’entreprise. »

Alors évidemment, on ne peut être d’accord qu’avec les très rares conseils, les très rares moments positifs mais l’auteur n’apporte finalement dans ce tome aucune solution pratique, ni pour un dirigeant, ni pour un manager.

Déçu par la lecture du premier tome, j’ai failli ne pas ouvrir le second… Monsieur Dupuy est très compétent pour dire ce qui ne va pas mais comment faire retrouver le plaisir de travailler au-delà du devoir aux salariés des entreprises ? Si le tome 1 est un diagnostic, peut-être que le tome 2 est un plan d’actions.

Oulalala… ça commence par quelque chose comme nous sommes tous des lapins crétins !!! Comment peut-on travailler dans une entreprise sans avoir fait de la sociologie ? Mince, j’ai fini « Amour, Poésie, Sagesse »… Je me force donc… après tout je lis aussi pour développer et entretenir ma modeste culture :

« Eh bien je prétends qu’il y aurait beaucoup à apprendre de la renonciation à l’universalité de l’Empire romain au IVe après Jésus-Christ et du transfert de cette vocation universelle au catholicisme à travers les Pères de l’Église. »

Là encore, je partage certaines remarques comme :

« les militaires ne se privent pas d’aller chercher dans les batailles du passé des idées pour celles d’aujourd’hui et de demain, même si en apparence les technologies doivent renvoyer César et Napoléon dans les brumes d’un enseignement secondaire vite oublié. »

Parmi les nombreuses entreprises ou institutions que j’ai visité à travers le monde quand je travaillais sur la modernisation des activités opérationnelles de deux grands groupes énergétiques entre 2002 et 2007 (finalement, moi aussi, je peux valoriser à la consultant mon parcours pro), je reste admiratif devant les enseignements pris auprès des militaires ou des sapeurs pompiers de Paris.

Mais l’auteur insiste sur l’incompétence des managers voire des dirigeants :

« Se soucie-t-on dans le monde de l’entreprise de ce désert culturel ? Très peu à vrai dire. » C’est sans doute vrai dans de nombreuses entreprises ou activités. Personnellement, j’ai le plaisir de travailler avec un « patron » qui offre mensuellement des moments de culture managériale en faisant intervenir des gens de l’acabit de F Dupuy. En plus de renforcer la culture des managers, c’est sans doute aussi un lieu de négociation entre les métiers pour décloisonner les équipes comme le suggère le tome 1 de « Lost in Management ».

Le sociologue poursuit sa charge sur en opposant la « connaissance élaborée » qu’il affectionne (moi, je comprends, sociologie) et la « connaissance ordinaire »…

C’est une souffrance, peut-être parce que je me sens subitement atteint d’une « connaissance ordinaire ». Heureusement, mon ressenti sur le premier tome est confirmé par l’auteur lui-même :

« En d’autres termes, le premier volume a montré, pour le dire d’une formule lapidaire, ce qui ne va pas. Le second volume s’enfonce plus en profondeur dans le « pourquoi » ça ne va pas, en ancrant la démonstration sur une discussion des thèmes dominants du management contemporain qui, redisons-le, n’est pas très différent de celui qui l’a précédé. »

S’en suit une longue dissertation entre structure et organisation, comme une démonstration de l’importance d’avoir une culture élaborée. C’est intéressant mais avec l’expérience (même courte dans une grande entreprise), même si le vocabulaire n’est pas précis, un manager fait vite la différence. Avec étonnement, je constate que l’auteur nous sert du « Des études sérieuses ont montré que ». Les études permettent d’accréditer des thèses mais en cherchant bien, on peut aussi trouver des antithèses fondées sur des études tout aussi respectables.

Il est vrai qu’en dehors d’entreprises fortement tournées vers l’innovation et qu’on constate que « la logique dominante consiste à ne résoudre que les problèmes qui se posent. Évoquer ce qui pourrait advenir si…, c’est créer des problèmes là où il n’y en a pas. » Je crois alors comprendre que l’auteur évoque enfin des pistes et là encore, retour à mes précédentes lectures sur la confiance : « Charles Feltman (…) définit quatre comportements qui constituent les piliers de la confiance : la sincérité, la fiabilité, la compétence et le souci des autres. » On retrouve en partie les fondamentaux et les comportements proposés par S MR Covey.

Petite charge pour les communicants : « Y répondre par des slogans élaborés par des communicants pour qui le verbe prime sur le contenu témoigne de l’incompréhension, de l’inculture ou du désintérêt de ceux qui les lancent et de ceux qui les reprennent à leur compte. » suivi d’un conseil : « Il faudrait surtout dire moins et faire plus. »

Est-ce que l’objectif de l’auteur est de faire sortir du déni certains dirigeants ? Dépeint-il certaines entreprises pour qu’elles se reconnaissent pour se remettre en question ?

« deux modèles de culture qui n’étonneront personne : le modèle bureaucratique, celui des administrations publiques pour faire bref, marqué par l’incapacité d’anticiper, le refus du risque et le manque de créativité ; le modèle dit « évolutif », qui privilégie le goût du risque, la confiance et l’amour de l’action. »

Puis c’est au tour des business schools comme il avait pu critiquer les pratiques de certains hôpitaux…

A la question « Est-ce de la naïveté de considérer que le trio « paresse intellectuelle-inculture-connaissance ordinaire » doit et peut être remis en question ? », tout le monde veut répondre NON mais comment ? pas de réponse… pas d’exemple pour provoquer prise de conscience ou début de dynamique en ce sens.

Ce deuxième tome se conclue sur : « L’instauration de la confiance dans les relations pourrait jouer un rôle semblable à celui tenu par l’amélioration de la sécurité dans quelques entreprises. »

 

Est-ce que ces deux livres m’ont permis de passer d’une « culture ordinaire » à une « culture élaborée » ? Je ne crois pas… Est-ce que j’ai trouvé des outils intéressants à partager ou à mettre en œuvre ? Non…

 

Evidemment, je laisse chacun se faire une idée en lisant ces livres mais j’invite chacun à positiver, à ne pas se laisser obscurcir les idées, à ne retenir que les rares points positifs d’une intelligence collective au service d’un bien commun. Espérons que l’auteur proposera d’ailleurs un tome 3 pour répondre cette fois à la question « comment » et si possible, « comment agir sans attendre une crise ».

A la vitesse de la confiance !

The SPEED of Trust: The One Thing that Changes Everything (Covey, Stephen M.R.;Merrill, Rebecca R.)

The SPEED of Trust: The One Thing that Changes Everything (Covey, Stephen M.R.;Merrill, Rebecca R.)

Stephen MR Covey nous invite à réfléchir au management par la confiance à travers ce livre exceptionnel. Je suis même réducteur en écrivant « management par la confiance » puisque l’auteur propose d’étendre son analyse à un style de vie qui touche tous les domaines :

« There is one thing that is common to every individual, relationship, team, family, organization, nation, economy, and civilization throughout the world—one thing which, if removed, will destroy the most powerful government, the most successful business, the most thriving economy, the most influential leadership, the greatest friendship, the strongest character, the deepest love. (…) That one thing is trust. »

 

Stephen MR Covey incite à développer la confiance dans toutes les situations et motive cela en expliquant que la confiance permet de réduire les coûts et de construire plus rapidement :

« When trust goes down, speed will also go down and costs will go up. ↓ Trust = ↓ Speed ↑ Cost When trust goes up, speed will also go up and costs will go down. ↑ Trust = ↑ Speed ↓ Cost »

Selon lui, la formule qui dit que les résultats sont égaux à la stratégie multipliée par son exécution (R = S x E) est incomplète. Il manque un paramètre : la Confiance.

« (S × E)T = R ([Strategy times Execution] multiplied by Trust equals Results) »

L’auteur pousse les comparaisons financières jusqu’à soutenir que, selon le niveau de confiance, une organisation (ou une relation personnelle) peut être taxée ou toucher des dividendes.

Par exemple, il illustre de la façon suivante :

  • Si aucune confiance n’existe, la taxe s’élève à 80%. Dans une organisation, cela se traduit par une hiérarchie redondante, du micro-management, … Dans une relation personnelle, des agressions verbales se font courantes, par exemple.
  • Si le niveau de confiance est très faible, la taxe vaut 60%. Dans une entreprise, ce sera le règne du temps perdu à prendre des décisions. Les employés sont également malheureux (je prends cet exemple, parce qu’on verra plus tard l’importance de son contraire. Dans une relation personnelle, on se renvoie constamment les erreurs passées, le climat reste suspicieux…
  • La taxe à 40% s’explique dans une organisation par des agendas cachés ou encore avec des jeux politiques marqués par des alliés et des ennemies. Dans une relation personnelle, on retrouve des phénomènes d’omission.
  • A 20% de taxe, les organisations présentent encore des hiérarchies inutiles, donc encore un peu de redondance et des procédures à tout va. Dans une relation personnelle, il reste souvent des incompréhensions, des tensions.
  • Lorsqu’il n’y a ni méfiance, ni confiance, on trouve des organisations ou relations personnelles saines. La tolérance fait son œuvre.
  • Si les dividendes s’élèvent à 20%, on trouve alors des organisations qui travaillent de manière collaborative, font preuve d’innovation également. Dans une relation personnelle, les personnes communiquent positivement.
  • A 40% de dividendes, les organisations communiquent de manière transparente, sans effort, favorisent l’engagement, la loyauté, … Dans une relation personnelle, la joie est de mise tout comme l’excitation.

 

Stephen MR Covey illustre ses convictions par des exemples aussi bien de sa vie personnelle que d’expériences en entreprise. Et c’est plutôt convaincant ! Des exemples ou aussi des contre-exemples : « There are many reasons for disengagement, but one of the biggest reasons is that people simply don’t feel trusted. »

A partir de là, il explique comment agir pour gagner la confiance ou la reconquérir. J’ai surligné tant de conseils ou d’exemples qu’il est impossible de tout reprendre ici. C’est aussi imagé par des proverbes surprenants parfois : « French proverb “Fish discover water last.” »

 

L’auteur propose de découvrir ce qui fonde selon lui la crédibilité. 4 fondamentaux : l’intégrité, l’intention, les compétences et les résultats. Ces 4 mots suffisent à eux-mêmes. Je ne soulignerai que le quatrième : résultats. Si on garde en tête la formule  (S × E)T = R, on retiendra alors que délivrer des résultats permet d’augmenter la confiance. Et pour avoir des résultats, il ne faut pas avoir peur d’oser, ni de se tromper :

« In commenting on the process of perfecting the lightbulb, Thomas Edison said, “I didn’t fail ten thousand times. I successfully eliminated ten thousand materials and combinations that didn’t work.” »

 

Stephen MR Covey complète ces 4 fondamentaux avec 13 comportements, pour lesquels je reprends une citation (parmi les passages que j’ai cornés sur mon kindle) :

  1. Talk Straight « “Talk Straight” is honesty in action. »
  2. Demonstrate Respect : « Demonstrate Respect is based on the principles of respect, fairness, kindness, love, and civility. »
  3. Create Transparency : « Tell the truth in a way people can verify. Get real and genuine. »
  4. Right Wrongs : « The reality is that everybody makes mistakes. The issue isn’t whether you will make them, it’s what you will do about them. It’s whether you will choose the path of humility and courage or the path of ego and pride »
  5. Show Loyalty : « you look at everyone out there and all they did to contribute, and you give them the credit, attribution, recognition, acknowledgment, and appreciation. »
  6. Deliver Results : « I learned it’s most effective to give the best opportunities to the big producer who doesn’t talk instead of the big talker who doesn’t produce. »
  7. Get Better : « seek feedback, and learn from mistakes. »
  8. Confront Reality : « You rarely gain anything by shutting out the very people who are in the best position to help you solve the challenges and problems you face. »
  9. Clarify Expectations : « it’s wise to look at three variables—quality, speed, and cost—and realize that you can usually pick any two, but not all three. »
  10. Practice Accountability : « As the Russian proverb says, “Success has many fathers while failure is an orphan.” »
  11. Listen First : « when you Listen First, you get insight and understanding you wouldn’t have had. You make better decisions. Also you show respect. You give people psychological air. And the impact on trust is amazing. »
  12. Keep Commitment : « when you make a commitment, you build hope; when you keep it, you build trust. »
  13. Extend Trust : « Extend Trust is based on the principles of empowerment, reciprocity, and a fundamental belief that most people are capable of being trusted »

 

Pour un livre de développement personnel, c’est une excellente lecture qui dynamise ! On pourrait se dire qu’en France, ça ne marcherait pas ! Pourtant, on commence à parler d’entreprises libérées. Par exemple, dans Challenges du 19 février 2015, Jean-François Zobrist est cité en exemple comme ancien directeur de l’entreprise FAVI « qui croit que l’homme est bon. ». Il nous dit : « la confiance rapporte plus que le contrôle ». Cela rappelle aussi les travaux de sociodynamique de JC Fauvet. Faîtes le test en cherchant dans YouTube « entreprise libérée », vous verrez le nombre de vidéos et même une chaîne dédiée à ce sujet.

 

Ne restez pas SOT, lisez Speed Of Trust !

Le Temps des Hommes II par l’Institut de Sociodynamique

Ces derniers mois, je me suis investi modestement pour mieux comprendre ce qu’est cette « science de l’action », la sociodynamique ; peut-elle m’aider à avancer plus vite dans ma belle entreprise, à rendre un meilleur service à mes clients, à partager mes convictions autour de projets, …

Le Temps des Hommes II - Institut de la Sociodynamique

Tout d’abord, j’ai partagé quelques soirées de « travail » avec de remarquables personnes. Quand on veut sortir de son univers, il suffit de mettre le pied dans l’univers d’à côté. D’ailleurs, c’est plutôt un portail qu’un univers, puisque l’objet des réunions était de découvrir les expériences de plusieurs entreprises ou administrations qui ont mené des projets avec succès grâce à des concepts et outils inspirés par la sociodynamique de JC Fauvet. Le sujet de notre petit groupe : la stratégie des acteurs.

Ce 5 février 2015, le président de l’université de Dauphine a accueilli quelques 700 personnes venues écouter ce sujet ou encore une table ronde sur l’auto-organisation et l’intelligence collective. Voici quelques photos de l’événement.

5 février 2015 - Cécile Guinnebault

Trois témoignages ont démontré qu’investir dans l’homme est source de performance et de changement. Le « truc », c’est de trouver les bons leviers pour mobiliser et libérer les énergies.

 

5 février 2015 - ChigotEtre heureux au travail pour que la performance soit au rendez-vous ! La table ronde suivante a également revisité la pyramide de Maslow en plaçant au sommet le « besoin d’aimer ». Cocasse, quand parmi les témoins, on a écouté avec attention l’auto-organisation développée au sein des armées françaises.

Après la troisième table ronde, Michel Bon, qui a assisté à l’intégralité des échanges, s’est levé pour conclure avec humour et rappeler aux participants : « Votre devoir n°1 : faire grandir les autres ».

Michel Bon

 

 

Jacques a dit : « Devenir Soi » !

Devenir SoiEt voici ma première lecture sur mon Kindle, si je n’ai pas pu plier les pages, c’est quand même plus facile puisque tout ce que j’ai pu surligner est enregistré dans un fichier. Pour les citations, un copier-coller suffit.

Le dernier livre que j’ai lu de Jacques Attali m’avait déjà fait constater qu’il écrit régulièrement sur un modèle : un diagnostic sombre du passé, un présent qui nous conduit vers un avenir médiocre sauf si… Sauf si on réagit !

« Dans un monde aujourd’hui insupportable et qui, bientôt, le sera bien plus encore pour beaucoup, il n’y a rien à attendre de personne. Il est temps pour chacun de se prendre en main. »

En relisant mes notes de « Survivre aux crises », je m’étonne que le récit ait évoqué les mêmes souvenirs qu’à l’époque : « Carpe Diem », Morrison, … C’est un autre chanteur qu’il cite dans les exemples de gens qui ont pris en main leur destin : Kurt Cobain !

« Après l’échec de ses premières formations, entre 1985 et 1989, il rassemble ceux qui finiront par former le groupe Nirvana avec lequel il sort en 1989 l’album Bleach ».

 

Le diagnostic et l’avenir qu’il pose sont des plus sombres. Le vocabulaire choisi relève de la prophétie :

« L’ascension du Mal semble inéluctable. »

Jacques Attali nomme celles et ceux qui se laissent vivre les « résignés-réclamants » :

« ils sont consommateurs égoïstes de services publics qu’ils ne songent plus eux-mêmes à rendre aux autres. » (j’étais obligé de souligner ce passage sur les services publics)

« Par peur. Par paresse. Par passivité. Ils survivent au mieux, trouvant parfois de minces bonheurs dans les anecdotes de leurs destins. »

 

Cette fois, l’auteur pointe des expériences positives, des étoiles au milieu de ce ciel sombre. Il cite des artistes, des entrepreneurs, des bénévoles, … Il faut agir par soi-même, sans rien attendre des autres. Mais ce n’est pas parce qu’on a rien à attendre des autres, qu’il ne faut pas faire attention aux autres. Il multiplie les exemples aussi bien dans le temps que dans l’espace. L’auteur est intarissable et sa culture est incommensurable.

L’idée est donc « d’être aussi utile aux autres, et d’aider le monde à échapper à l’irrésistible ascension du Mal. »

Alors, si tu as de l’énergie, Jacques Attali propose, comme Nietzsche avec son « deviens ce que tu es », de « Devenir soi » : « il faut surtout agir, au lieu de rêver à un avenir meilleur sans le provoquer ».

Jacques Attali nous invite à comprendre ce qui nous freine, qui nous maintient dans notre « confort de l’aliénation » parce que, dit-il, « le monde appartiendra à ceux qui osent et oseront refuser d’être « résignés-réclamants » pour prendre le pouvoir sur leur propre vie ». Il trace un chemin en 5 étapes : « Prendre conscience de son aliénation », « se respecter et se faire respecter », « Ne rien attendre des autres », « Prendre conscience de son unicité » et « se trouver, se choisir ».

Facile et rapide à lire, chacun trouvera sa recette et qui sait, se lancera peut-être à la conquête de sa lumière !

Cité de la Réussite 2014

C’est à l’occasion d’un travail de veille que j’ai découvert, après quelques rebonds netiques, l’événement « La Cité de la Réussite ». Le programme de l’édition 2014 autour de l’audace promettait de beaux sujets et de belles personnalités avec plusieurs conférences en parallèle. La déception surmontée face à l’absence d’un Alexandre Jardin, par exemple, je ressors grandi en découvrant de nouveaux noms. Par exemple, il faudra que je m’achète le « Petit éloge de la gentillesse » d’Emmanuel Jaffelin.

J’ai aussi découvert les magnifiques amphithéâtres de la prestigieuse Sorbonne. Salles et mobiliers sont magnifiques mais honnêtement, resté assis sur des bancs en bois plusieurs heures… ça fait mal ! J’ai forcément pensé à Petite Poucette et les descriptions des décalages entre le système éducatif et notre époque.

Cité de la Réussite 2014

Voici mes quelques notes et impressions de 2 des 3 conférences auxquelles j’étais inscrit, pas nécessairement rapportées dans l’ordre chronologique des discussions.

 

La Ville audacieuse, comment l’inventer ?

Initialement, Anne Hidalgo devait faire partie de la table ronde. Voir la maire de Paris défendre son projet et sa ville motivait ma venue… malheureusement, son absence fut remarquée au moins le temps de remplir la salle.

Pour discuter de la Ville audacieuse, l’organisateur avait réuni :

  • Sophie BOISSARD, Directrice générale déléguée Stratégie & Développement, Préfiguratrice de la branche Immobilière SNCF
  • Vincent CALLEBAUT, Architecte
  • Cédric KLAPISCH, Réalisateur
  • Tristram STUART, Historien, activiste

Le mélange était intéressant et j’ai pris plaisir à me laisser surprendre par l’audace réelle de Callebaut et Stuart.

Cédric Klapisch m’est apparu comme un spectateur. Évidemment, il a défendu l’audace de certains architectes tout en critiquant les processus de décision ne laissant pas toujours la place à la modernité. Selon lui, le projet retenu au forum des Halles (la Canopée) n’était pas le meilleur projet. Il pense que le centre Georges Pompidou n’aurait jamais vu le jour si dans les années 70s la démarche eut été identique. Aurait-il affirmé devant Anne Hidalgo que « Paris n’est pas la Ville la plus audacieuse » ? Aurait-il provoqué la maire de Paris en disant que « la pauvreté politique est un manque culturel et un manque d’imagination » ?

Madame Boissard m’a d’abord fait peur avec un discours qui ne m’a pas fait rêver : « deux tiers des opérations urbaines se font sur des friches ferroviaires » ou « redévelopper la ville aux portes des gares ». Mouais… La présentatrice enrichissait même la publicité des gares parisiennes avec ses crèches, ses labos et autres commodités pour les voyageurs toujours plus nombreux… Aucun spectateur n’a osé avancer l’hypothèse que le nombre croissant des voyageurs dans les gares est probablement lié au niveau de vie à Paris et à l’éloignement des actifs de leurs lieux de travail parisien. Elle a quand même lancé une idée intéressante en proposant le concept de « logements réversibles » ; avec les futures gares du Grand Paris, des espaces se trouvent effectivement figés, parfois inutilisés et donc invendables. L’idée serait donc de construire pour une durée déterminée (15 à 20 ans). Reste à savoir comment on finance ce type de logements réversibles et pour qui ? Elle a bien évoqué une cible étudiante, ce qui nous laisse imaginer des logements avec un confort minimal et purement en location.

Au contraire, il a été facile de rêver avec Vincent Callebaut et ses concepts d’Archibiotic. Je vous invite vivement à découvrir son site : http://vincent.callebaut.org/

Vincent Callebaud : LilypadQuand il a présenté son projet « LilyPads » pour les migrations climatiques, ça m’a rappelé que j’avais naïvement découvert ce phénomène lors d’un événement 5 ans auparavant du centre d’analyse stratégique (mes notes : ici). Devant les images des concepts « Asian Cairns » ou « Tao Zhu Garden », j’ai commencé à me demander le sérieux de ses idées jusqu’à ce qu’il explique que le premier avait fait l’objet d’un dépôt de permis de construire et que le second serait livré en 2016. Fan ou pas de ses projets, on peut comprendre sa frustration devant le manque d’audace des villes françaises pour concrétiser ses rêves en France.

De son côté, Tristam Stuart a réalisé un projet plus terre à terre en s’attaquant au gaspillage alimentaire. Il est parti du constat qu’un tiers de la nourriture est jetée entre les fermes (lieux de production) et les supermarchés (lieux de distribution) en passant par les consommateurs. Son idée est ainsi à l’initiative de la vente de légumes biscornus, moins jolis mais tout aussi bénéfiques que des légumes répondant à des normes esthétiques. Pour lui, il ne faut pas oublier notre dépendance à la Terre et qu’une « ville autosuffisante est une ville égoïste ». L’agriculture et les paysans sont aussi l’avenir de l’homme.

 

Climat et énergie : ayons l’audace de réussir la transition énergétique.

Bien qu’intéressante, j’ai moins de choses à tracer sur cette séance. Le débat est resté très typique du Yakafocon ! La forme de Brice Lalonde m’a fait marrer mais on reste sur des concepts qui finalement n’aboutissent pas : « verdir l’économie, verdir la fiscalité ! » OK, très bien mais comment ? Peut-être que tout cela avance trop lentement parce qu’on impose aucune décision.

B Lalonde citera l’ancien ministre du pétrole saoudien, Cheikh Yamani :

L’âge de pierre ne s’est pas terminé par manque de pierres.

L’âge du pétrole ne s’achèvera pas avec le manque de pétrole.

 

 

Petite Poucette de Michel Serres

Zapping à la maison, zapping à l’école, zapping dans les relations… Tout un bouleversement induit par les comportements d’une nouvelle génération, des changements pas toujours compris par celles et ceux emprisonnés du passé.

Michel Serres plante dans les premières pages un décor étrange pour son héroïne, petite poucette, nourrie aux nouvelles technologies et aux réseaux sociaux. Rapidement, il cherche à comprendre et pose la question suivante : « Quelle littérature, quelle histoire comprendront-ils, heureux, sans avoir vécu la rusticité, les bêtes domestiques, la moisson d’été, dix conflits, cimetières, blessés, affamés, patrie, drapeau sanglant, monuments aux morts…, sans avoir expérimenté, dans la souffrance, l’urgence vitale d’une morale ? »

Posée comme ça, c’est presqu’inquiétant. Si j’ai connu les vrais animaux, les champs, la pêche aux tritons et autres crapauds…, si je me souviens des chars dans les rues de mon village simulant une guerre, c’est surtout parce qu’aux trêves, avec mes amis, c’était la course à la douille, aux obus en plâtre, … Evidemment, il y a bien eu les alertes au lycée pendant la guerre du Golf mais la réalité se vivait à des kilomètres. Etudiant à Paris, j’ai été frappé de voir les jeunes parisiens découvrir les animaux au parc des expositions, Porte de Versailles.

Le philosophe ne joue pas la mélodie des réfractaires et rappelle que ce sont les « adultes qui ont méticuleusement détruit (la) faculté d’attention en réduisant la durée des images à sept secondes et le temps des réponses aux questions à quinze. » Ces adultes récitent l’histoire, racontent les grandes ères de l’humanité et semblent figés dans le passé dans leurs pratiques, leurs modes de pensée, leurs modes de vie… « Voici des jeunes gens auxquels nous prétendons dispenser de l’enseignement, au sein de cadres datant d’un âge qu’ils ne reconnaissent plus : bâtiments, cours de récréation, salles de classe, amphithéâtres, campus, bibliothèques, laboratoires, savoirs même…, cadres datant, dis-je, d’un âge et adaptés à une ère où les hommes et le monde étaient ce qu’ils ne sont plus. »

Finalement, l’auteur décrit une personne agissant comme une entreprise externalisant certaines ressources, certaines capacités cognitives dans le magma d’Internet. Petite Poucette aurait bel et bien une tête moins pleine (ou pleine différemment) et mieux faite pour répondre à Montaigne. Michel Serres annonce alors : « Fin de l’ère du savoir ». Le savoir se consomme désormais comme n’importe quel autre produit ou service. Le philosophe explique alors les mutations des comportements à l’école conduisant parfois à certaines incompréhensions. Revenant là aussi à une image d’entreprise, il évoque les lois de l’offre et de la demande. Selon lui, l’offre ne répond plus à la demande… Je dois dire qu’en regardant mes garçons, je me suis posé la question de l’interactivité à l’école. Apprendre à lire, apprendre à écrire, est-ce possible sans une méthode directive ? Mon grand garçon a désormais une partie de ses cours sur iPad. N’apprend-il pas autrement déjà ?

Michel Serres décrit les anciennes pratiques avec sévérité : « le savoir lui-même exigeait des corps humiliés, y compris de ceux qui le détenaient. » De ce carcan, Petit Poucette se libère… Je me souviens encore du tournage d’une classe de CM2 avec mon frère, il y a déjà plus de 15 ans. Mon frère et moi avions un souvenir strict de l’instituteur. A chaque demande de participation à notre époque, les élèves baissaient la tête… Pendant le tournage, le maître d’école interviewé au fond de la classe devait parler de plus en plus fort pour couvrir le chahut des élèves. Il proposa alors qu’un élève vienne montrer l’usage fait de l’unique PC de la classe ; si les enfants avaient pu se battre pour participer, ils l’auraient fait. N’était-ce pas là les signaux faibles des mutations évoquées par le philosophe ?

Une autre vérité révélée peut expliquer les difficultés des entreprises à se développer, non pas à cause de Petite Poucette mais de celles et ceux effrayés par le changement : « au travail, elle répond à celui qui lui parle, non selon la question posée, mais de manière à ne pas perdre son emploi. Désormais courant, ce mensonge nuit à tous. » Si nous vivons avec le niveau de vie que nous connaissons, c’est bien grâce à nos ainés mais l’exemplarité n’est pas toujours au rendez-vous. Michel Serres donne l’illustration donnée par les politiques tant dans leur mode de communication que dans leur assemblée (brouhaha, tweet, …).

Un ouvrage courageux, gênant, qui interpelle, une invitation à encourager la modernité à bon escient, évidemment.

 

Coïncidence excellente, voici l’image trouvée sur mon réseau social pro :La pyramide de Maslow

 

Petite Poucette a rajouté une base à la pyramide de Maslow. Est-ce que Michel Serres partage ?

 

 

Faîtes vos jeux avec Philippe Gabillet

Ce n’est pas un hasard si j’ai lu ce livre, « Eloge de la Chance ou l’art de prendre sa vie en main » de Philippe Gabillet. Il s’agit simplement de la suite d’une rencontre faite en 2006. Alors que je tentais ma chance pour rejoindre les bancs d’une grande école de commerce, Philippe Gabillet jouait le rôle du méchant flic pendant l’entretien de recrutement. A la rentrée, il citait déjà Pierre Doré : « La meilleure façon pour atteindre ses objectifs, c’est d’aider ceux dont on a besoin à atteindre les leurs. »

 

Excellent professeur de Leadership ou Behaviour Management, plusieurs années plus tard, j’ai eu envie de retrouver un peu de son enthousiasme. Que lire après avoir apprécié « La liste de mes envies » de Grégoire Delacourt ?

Tout commence comme une histoire, sur une anecdote, une observation de la vie quotidienne que chacun peut faire. L’auteur plante le décor et définit la chance :

« Faire l’éloge de la chance, ce n’est donc pas vanter les mérites du hasard, mais bien ceux de la sensibilité, de l’optimisme et de l’action face aux contingences du destin et parfois de la fatalité. »

Je ne pouvais que corner plusieurs pages de ce livre qui donne les recettes de la chance :

 « Ouverture d’esprit, extraversion, optimisme, créativité, et intérêt pour les autres, tels sont quelques-uns des traits distinctifs des individus qui semblent habités par la chance. »

Un chanceux montre un immense respect pour « la cadence du monde », s’adapte, rebondit, … il provoque les événements dans l’objectif qu’il s’est fixé : « Vivre en mode chance, c’est non seulement saisir les occasions et rebondir sur les incidents de parcours ».

Les quatre secrets de Philippe Gabillet sont : intention, disponibilité intérieure, recyclage positif et connexion. Le professeur illustre ses propos en citant à son tour :

  • ·         Eugène Labiche : « les chanceux sont ceux qui arrivent à tout,  et les malchanceux ceux à qui tout arrive. »
  • ·         « La Chance est pareille à l’Expérience, dont Aldous Huxley nous rappelle qu’elle « n’est pas dans ce qui arrive, mais dans ce que nous allons faire de ce qui va nous arriver. » »
  • ·         Louis Pasteur : « le hasard ne favorise que les esprits bien préparés. »
  • ·         Daniel Boulanger : « il ne suffit pas de dire aux gens Bonne Chance. Il faut aussi la leur offrir. »

 

L’auteur conseille également : « décider d’entrer en contact avec l’autre, c’est à la fois accepter l’idée que cette rencontre ne puisse mener à rien mais c’est aussi être capable d’anticiper tout ce qu’elle pourrait représenter de positif dans l’avenir. »

Et prévient :  « Colère, envie, mesquinerie, défiance, nombrilisme, manque de curiosité sont parmi les ingrédients de base de ce cocktail létal à même d’empoisonner la plus favorable des opportunités. »

Conseille encore : « il faut savoir « switcher » en toutes circonstances entre attention et concentration, entre disponibilité et décision, entre vigilance et passage à l’action. »

Constate enfin : « il semble que la chance déteste la routine et les chemins balisés mais apprécie grandement la variété et les chemins de traverse. »

Sa conclusion est un bonheur puisqu’il termine sur un rêve (j’en ferais un court métrage avec mes enfants d’ailleurs !) et au lieu de souhaiter Bonne Chance à son lecture, il préfère « souhaiter Bon Effort. »

 

A lire absolument !

Voyage d’un apprenant

 

L’apprentissage se vit comme une aventure avec des obstacles, des rencontres et des découvertes. Le plus important, c’est de prendre plaisir à ce voyage et de le conduire à son terme.

 

Pour les enfants, l’enseignement est une obligation tandis que pour les adultes, cela reste un choix qui se fait avec humilité et ouverture d’esprit.

C’est pour ces raisons que nos enfants ont besoin d’attention tout au long de leur parcours scolaire pour lever les obstacles, parfaire leurs connaissances et construire leurs compétences.

 

Passer de l’ignorance d’un sujet à sa connaissance, puis à la compétence est un voyage plus facile à réaliser quand on le fait accompagné et avec enthousiasme. Dans mon précédent billet, j’appréciais les anecdotes de Dennis NT Perkins. Quand il aborde l’apprentissage et la patience qui s’impose au leader (à l’enseignant, au coach, aux parents, …), il raconte une histoire personnelle attendrissante. Son fils avait atteint l’age de conduire et Perkins lui avait longuement préparé à la conduite et à l’entretien de son véhicule. En particulier, il avait insisté sur la jauge d’huile pour protéger le moteur. Arriva alors le jour où le voyant vira au rouge. Le jeune homme heureux d’avoir fait attention à la jauge demanda à son père huile et entonnoir. Il revint plusieurs fois à la charge en quête de matériel pour accomplir sa tâche avec le plus grand soin. Il sollicita une dernière fois son père occupé par ailleurs et se plaignit de la lenteur de mise à niveau. Découvrant la scène Perkins se rendit compte qu’il avait bien enseigné le suivi de l’indicateur mais n’avait pas montré à son enfant comment remettre efficacement de l’huile dans le moteur. Son fils essayait de remplir par la jauge.

 

Chez l’adulte, l’apprentissage peut s’avérer plus compliqué. On illustre souvent le cerveau comme un verre rempli d’eau. Pour y injecter de nouvelles idées, il faut alors accepter de vider un peu du contenu, faire de la place pour y ajouter un nouveau contenu sinon le verre déborde. Toutefois, l’adulte choisit de reprendre des études. Qu’importe la motivation (pur plaisir, nécessité pour sortir d’une crise, …) !

Lors d’une formation continue, la formatrice illustra le chemin à parcourir par les 4 phases suivantes : II, CI, CC et IC. Elle donna l’exemple d’une personne souhaitant apprendre à jouer du piano. Au démarrage, l’apprenant est en phase 1 : inconscient et incompétent (II). L’envie est là mais la personne n’a pas conscience de la difficulté, du chemin, et se heurte à son incompétence. Puis, notre futur pianiste prend conscience du travail à accomplir et entre ainsi dans la seconde phase : conscient et incompétent (CI). Si un adulte peut s’accrocher dans cette phase, l’enfant a souvent besoin d’accompagnement, d’encouragement, … L’apprenant sort généralement de ce stade, le plus dur, avec plaisir et devient conscient et compétent (CC). Cette avant dernière phase souligne la nécessité pour l’apprenant de fournir consciemment un effort intellectuel afin de mettre en œuvre sa compétence de pianiste. La dernière phase, inconscient et compétent (IC), décrit l’automatisme acquis par le pianiste. L’effort n’est plus conscient pour déployer son art.

Il est évident qu’un apprentissage n’est pas si linéaire et que l’itération par niveau de difficulté permet d’équilibrer ces 4 phases pour rester motivé en montrant une progression.

Le reproche que je ferai à ce modèle, c’est de laisser penser que toute chose peut se faire au final de manière inconsciente. Je pense qu’il est important de maintenir son intellect en veille, les automatismes pouvant conduire à des erreurs si le contexte change, par exemple. A mon sens, il faut voir cette 4ème étape comme la préparation au niveau supérieur et au retour progressif en phase II.

 

Chaque sujet peut faire l’objet d’un apprentissage, à chacun de trouver son chemin.

 

Bon voyage !