Le loup en livre ou en film ?

Une fois n’est pas coutume, ce billet évoquera aussi bien le film que le livre : Le loup de Wall Street. J’ai pris soin de commencer par l’autobiographie de peur que le film ne me motive pas à lire les 760 pages de l’édition de poche. Si j’avais bien entraperçu quelques secondes Leonardo Di Caprio dans une bande annonce, le sujet m’échappait complètement hormis la référence à la célèbre place financière New Yorkaise. Alors, pourquoi ne pas lire « Le loup de Wall Street » sur la plage et regarder le film après ?Wolf Of Wall Street
Premier constat : malgré le nombre de pages, je n’ai pas corné plus de 10 pages… j’ai bien ri mais ce n’est qu’une autobiographie partielle, tournant parfois à l’autodérision. Il y a aussi beaucoup d’autopromotion (ça fait beaucoup d’autos mais c’est un livre qui roule !). Est-il un vendeur hors pair ? A l’occasion, j’irai regarder les vidéos sur sa page FB www.facebook.com/jbstraightline ou ses conseils de vente sur www.jbstraightline.com.
Deuxième constat : même dans les romans qui n’ont aucun rapport avec notre époque et surtout le travail, j’arrive toujours à marquer des pages ou des expressions en me disant qu’un jour, j’utiliserai telle ou telle chose, que je citerai des passages pour appuyer mes messages, etc. Là, alors qu’il y a l’univers « business », je ne retiens finalement pas beaucoup de choses. Le livre est dédié à ses enfants, je pensais même voir en quoi il leur laisse une trace de lui, un héritage, une demande de pardon, autre… mais non, rien. Un peu décevant sur ce plan.
Troisième constat : la richesse des événements nécessitait forcément une simplification de l’histoire pour faire un bon film… mais pourquoi donc dans l’adaptation des noms, ont-il été changés les noms alors qu’une recherche sur Google redonne les vrais noms ? Curieux…
Au début du livre, une note explique que J Belfort est condamné à verser 50% de ses gains à ses anciens clients-victimes. Si l’escroquerie est à peine décrite comme la raison du blanchiment d’argent (dans le film, il va planquer son fric pour que le FBI ne le dépouille pas), à l’inverse, il explique assez clairement comment il manipule ses équipes : « c’est plus facile de les contrôler s’ils sont fauchés. (…) ils sont endettés jusqu’au cou, pour des voitures, des maisons, des bateaux et tout ce genre de conneries. S’ils ratent un chèque, ils sont dans la merde. C’est comme s’ils avaient des menottes dorées aux poignets. A vrai dire, je pourrais les payer plus, mais alors ils n’auraient plus autant besoin de moi. » N’est-ce pas démoniaque ? D’autant plus que quelques pages plus loin, l’auteur relate un petit discours de motivation pour que ses équipes décrochent leurs téléphones et « arrachent les yeux de la tête » de leurs clients. On pourrait penser qu’il est transparent puisqu’il ajoute un peu plus loin : « Laissez les conséquences de l’échec devenir si désastreuses et inconcevables que vous n’aurez plus d’autres choix que de tout faire pour réussir. » Il qualifie lui-même ses agissements comme des « lavages de cerveaux ».
Le Loup et les Lemmon 714Martin Scorsese remporte un grand succès avec l’adaptation cinéma mais j’ai moins ri qu’à la lecture du livre, peut-être parce que je ne pouvais plus être surpris.Toutefois, Di Caprio m’a amusé lorsdu passage où il s’effondre après une surdose de LEMMON 714. Pourtant, Scorsese n’a pas abusé d’effet visuel pour renforcer son délire. Au contraire, j’ai presqu’été gêné par le nombre de marche de l’escalier du Club house. J’ai quand même fait pause pour photographier cette magnifique ouverture de la porte de la Lamborghini. On a l’impression que la porte le soulève presque.
Il a fallu faire des choix pour le scénario mais la version papier livre une scène qui m’a fait penser à la séquence finale du film « Orange mécanique ». Le Loup de Wall Street est en désintoxication et la thérapeute propose à Jordan Belfort de prendre alors la parole en public et sa petite voix intérieure digne d’Alex résonne : « Le Loup était enfin de retour au combat ! ». Le discours qui suit porte sur un événement anodin démontrant son aptitude à manipuler les foules avec humour.

Comme quoi, lire le bouquin après avoir vu le film apporte son lot de surprises. Toutefois, ni cherchez aucune morale mais uniquement un moment de folie (nickel pour la plage !)

Un 15 août à Paris

C’était le 26 juin dernier que je me suis décidé à aller écouter mon ancienne camarade d’école à la « Librairie comme un roman » dans le 3ème arrondissement. Céline Curiol présentait son dernier livre « Un quinze août à Paris – Histoire d’une dépression ».  La jeune écrivain (je suis jeune donc elle est jeune) semblait resplendissante et en forme contrairement à la sombre période qu’elle relate dans son ouvrage. Quelle aisance pour évoquer une période aussi trouble en public ! Et quelle poésie dans sa narration ! J’ai vraiment été impressionné.15aoutParis

Son ambition est d’aider celles et ceux qui souffrent (ou ont souffert) d’une dépression à la comprendre, à la combattre, à la dépasser. Pourtant, à la lecture des premières pages, si bien écrites soient-elles, je me suis demandé si finalement je ne suis pas déprimé : « incapacité à la rêverie », « affadissement définitif du monde », « incapable de me reposer tout en étant inapte à entreprendre »… Cependant, dès le début, elle distille tout ce qui peut freiner une dépression :  « reconnaître l’importance de nos réalisations personnelles », « force collective », …

Céline Curiol illustre son vécu en citant d’autres auteurs ayant analysé également leur mélancolie, intranquilité, dépression. Sa propre analyse n’a rien à leur envier :

« Celui qui n’anticipe plus l’avenir, n’invente plus ses futurs souvenirs »

C’est un témoignage poétique, émouvant (sans doute encore plus quand on a partagé quelques moments avec l’auteur, même il y a bien longtemps) et courageux.

Très bonne lecture !