A dieux !

Il y a bien longtemps que je n’avais pas lu Bernard Werber. Pourtant, je me souviens de ma surprise quand, terminant « la Révolution des Fourmis » fin 1996, fraîchement débarqué à Paris comme étudiant, je découvrais un « seul » site web sur cette œuvre hébergé sur les serveurs de mon école : http://www.ensta.fr/~goux/fourmis.html. Le lien est mort aujourd’hui mais Google a conservé quelques traces et le webmaster de l’époque a fait depuis ses premières armes de romancier.BW_NLD

Evidemment, en plus de ce souvenir, le titre me disait : « Prends moi ! ». Alors, je l’ai pris sans savoir que c’était le premier tome d’une trilogie…. Trilogie qui est elle-même comme un tome des récits de Bernard Werber puisqu’apparemment, « Nous les dieux » retrace la suite des aventures des héros de « Thanatonautes » et de « l’Empire des Anges », voire de « Nos amis les humains » (mais je ne sais pas). Mieux, il y a également Edmond Wells dont la première apparition était déjà dans « les Fourmis ». Passé cet amusement, j’avoue avoir ressenti parfois une forme de lassitude, me demandant si le romancier ne recycle pas ses idées, collant des passages de « L’encyclopédie du savoir relatif et absolu » par ci, reprenant des morceaux de mythologie par là, saupoudrant sa fiction avec des personnages réels du XXème siècle à qui il prête une nouvelle existence.

Toutefois, j’ai corné plusieurs passages dès l’avant-propos découvrant une citation qui cadre avec mon ambition de finir un jour mon propre roman débuté, il y a plusieurs années sur mes téléphones portables :

« L’amour pour épée, l’humour pour bouclier »

Nous voilà perdus quelque part, « Aeden », entre une espèce de Deus Academia et Poudlar, l’école d’Harry Potter. Le héros, Michael Pinson découvre les lieux, sa mission et pense déjà que « les humains ne sont pas faciles à aider ». Il se rappelle son mentor Edmond Wells : « Ils s’efforcent de réduire leur malheur plutôt que de construire leur bonheur. » Ca promet ! Bernard Werber va-t-il écraser l’humanité comme on écraserait des fourmis ? Dans le train quand je découvre ces lignes, je lève la tête pour observer autour de moi… on est dans la région la plus triste ou bien celle où les gens ont le plus d’admiration pour les chaussures, je ne sais pas… Après tout pour échapper à ce mauvais spectacle, je baisse les yeux sur mon livre.

Une nouvelle vérité me claque alors à la figure comme une synthèse de moments vécus intensément :

« On ne peut offrir qu’à ceux qui sont prêts à recevoir. »  (corné 2 fois !)

C’est clair ! Impossible de griller les étapes que ce soit pour les choses du cœur comme celles de la raison. Enfant, on capte beaucoup de choses, on reçoit, on découvre, on apprécie ou on rejette avec sincérité et puis un jour, ça disparaît… On devient presque suspicieux quand quelqu’un vous veut du bien. Ca cache forcément quelque chose et si devant le refus, la bonne âme fait preuve d’humeur, ne dit-on pas facilement : « j’en étais sûr ! Gros con ! »

A l’école des dieux, les professeurs surgissent de la Grèce antique. Chronos montre son art à ses étudiants. Chacun observe la planète « école » et la nature humaine :

« Tuer pour ne pas être tué »

« Trop accoutumés à leur confort, les démocrates étaient devenus paresseux et n’avaient plus envie de se battre. »

Chaque maître apporte aux élèves dieux leur vision, les interpelle et pousse à réfléchir au sens et à notre place sur terre ou dans les cieux. Mais attention, l’apprentissage n’est pas uniquement sur les bancs de l’amphithéâtre. C’est une école moderne. Ainsi, même si Edmond Wells est un étudiant comme les autres, il diffuse son savoir à celles et ceux prêts à recevoir comme pour la persévérance :

« Démissionner, c’est abandonner la partie. Tant qu’on est dans la partie, on peut tenter d’améliorer le cours des choses. Mais si on quitte le jeu, on a tout perdu. »

Michael raisonne également par lui-même : « On ne peut pas vivre sans cesse dans la peur. Parfois, il faut prendre le risque de la confiance. » Phrase que j’hésite à afficher à l’entrée de mon bureau… ou mieux, aux entrées de quelques camarades… En écho, Edmond Wells ajoute : « ne pas penser à l’avenir, c’est réduire son angoisse. » Principe toutefois difficile à respecter, quand on nous demande d’anticiper sans cesse et de prévoir d’où viendront les coups.

 

Bernard Werber joue avec les chiffres, comme son 1+1=3 des fourmis. Cette fois, les formes des chiffres décrivent des stades de l’évolution des vies. On apprend par exemple que le stade 3, stade animal, avec ses 2 bouches, dévoile « le secret d’une vie bien remplie » : « Tuer et faire l’amour ». Et les conseils se poursuivent : « D’abord tu frappes après tu réfléchis, et si l’autre est plus fort… tu t’excuses. »

Comme je le disais, on prend des leçons aussi bien pour l’intelligence que pour l’amour. Par exemple, pour la raison : « dans une organisation, le travail est réalisé par ceux qui n’ont pas encore atteint leur niveau d’incompétence. »

Pour le cœur : « Comment voulez-vous qu’une femme aime un homme gentil ? On peut tout pardonner à un homme, sauf ça. »

 

J’ai bien corné d’autres passages, apprécié certaines anecdotes comme celle des puces dans un bocal ou noté d’autres coïncidences avec mes propres moments tant personnels que professionnels.

Autant j’étais impressionné d’entrer dans l’histoire sans avoir lu les autres romans, autant je n’ai pas aimé la fin… j’ai failli ne pas acheter le tome suivant mais plusieurs jours de transport sans lecture m’ont convaincu de reprendre l’histoire où je l’avais laissée.

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